Ceux Du Mirroir by Chillicothe Zeb

Auteur:Chillicothe, Zeb [Chillicothe, Zeb]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Science-Fiction, Littérature de Gare
ISBN: 2285008198
Éditeur: Ebook
Publié: 1991-12-31T23:00:00+00:00

CHAPITRE VIII

Cavendish eut beau cligner des paupières, le spectacle qui s’offrait à ses yeux ne se modifia pas.

Il voyait bien.

Il avait bien vu.

Cette protubérance qu’il avait un instant assimilée à une perle était bien une tête.

Abasourdi, l’éclaireur s’appliqua à retenir son souffle. Son cœur cognait si fort dans sa poitrine qu’il retentissait jusque dans ses oreilles. Bon sang, il devait faire de la surtension. Encore un peu, et il allait péter une durite à ce petit jeu. Les événements allaient trop vite pour lui. D’abord il échappait de justesse à une goule folle de son corps qui entendait le transformer en conserves humaines, ensuite il pénétrait dans un incroyable monde mouvant fait de plusieurs espaces-temps, se colletaient avec des Indiens, était torturé par des scélérats qui voulaient remettre la main sur Jag, lequel avait entre- temps filé avec Drago ; puis, soumis au dilate-panse, il rajeunissait d’une quarantaine d’années, se retrouvait prisonnier d’un reflet, rajeunissait encore, ce qui lui permettait de quitter sa singulière geôle, et voilà qu’à présent il atterrissait dans un curieux endroit face à une tête posée sur une espèce de coussin rouge. C’était beaucoup pour un seul homme, avouez ! D’autant qu’il avait à présent un organisme d’enfantelet, un cœur de moineau. Il allait pas tenir, sûr et certain! D’ailleurs il se sentait à peu près aussi vaillant que s’il venait de disputer un marathon.

Et y avait pas que le physique, fallait aussi compter avec le mental. Tous ces trucs qui lui arrivaient, ces phénomènes extravagants, tout ça allait le rendre complètement cinglé. Et c’était peut-être déjà fait si l’on s’en remettait à ce qui s’inscrivait dans ses rétines. Les poivrades finissaient par voir des rats, des araignées, des chauves-souris, bref tout un bestiaire, alors pourquoi lui n’aurait-il pas non plus ses propres visions cornues ? Hein, pourquoi ?

Sa spécialité, c’était les têtes. Les têtes féminines.

Car il s’agissait d’une tête de femme. Qui ne disparaissait toujours pas.

La tête d’une femme d’environ... trente ans. Oui, c’était à peu près ça. Avec des cheveux châtains longs, mais roulés et ramenés sur la nuque et un visage pur, aux traits presque enfantins quoiqu’un peu empâtés. Un visage de poupée de porcelaine, à la peau blanche, blafarde même, aux pommettes rondes, un peu saillantes, à la bouche large, aux lèvres pleines, épaisses, à la lippe boudeuse.

Interdit, le coureur de pistes ne savait plus quelle attitude adopter face à cette nouvelle bizarrerie.

Cette tête, c’était quoi, exactement? Une relique ? Dans un bordel, c’était peu vraisemblable. D’autant que si la peau avait un aspect quelque peu cadavérique, elle évoquait tout de même quelque chose de vivant. Le regard aurait pu lui en apprendre plus mais la femme* avait les paupières baissées. Comme si elle dormait ou si elle se relaxait.

Intrigué, il essaya de discerner une crispation, un quelconque mouvement sous le voile des paupières, mais il ne remarqua rien.

Il tendit alors l’oreille, espérant percevoir un souffle, ou même une amorce de ronflement, en fut pour ses frais.

Dépité, Cavendish se tassa sur lui-même, se demandant ce qu’il convenait de faire.

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